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 Origines du Petit Chaperon Rouge

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Faenor
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MessageSujet: Origines du Petit Chaperon Rouge   Origines du Petit Chaperon Rouge EmptyMer 10 Jan - 13:43

Les Contes Populaires ont traversé et traverseront encore les Temps!
Au fil de ce temps, ils ont pris, pour certains, des allures plus "abordables", édulcorées, pour les Enfants, ou encore, selon la région ou le pays qui le colporte, les tournures ont connu quelques changements.

Le petit chaperon rouge en est un exemple flagrant.
Il semblerait qu'à l'origine, il existait en Chine un vieux conte populaire nommé La vieille femme tigre.
Il raconte l'histoire de deux fillettes amenant de la nourriture à leur grand-mère dévorée par un tigre prenant sa place pour manger les enfants à leur tour. Ce motif sera repris ensuite de façon quasi universelle par beaucoup de conteurs qui le feront varier selon les époques et les lieux.

Mais voyez plutôt le Chemin qu'il a connu:

Tout le monde connaît en France le conte Le Petit Chaperon Rouge, considéré comme un classique écrit par Perrault. Il existe en effet deux versions écrites très connues du conte.
-L’une, de Perrault, datant du XVIIème siècle, offre une fin tragique ancrée dans la catégorie des contes d’avertissement.
-L’autre version écrite, des frères Grimm, datant du XIXème siècle, permet au conte de retrouver une fin heureuse dans laquelle la fillette et la grand-mère sont sauvées du ventre du loup par un chasseur.

Ces deux versions écrites ont eu un tel succès que le conte fut déraciné de ses lointaines origines rurales. En effet, Le Petit Chaperon Rouge trouve ses racines au sein des nombreux récits racontés dans les villages de province lors des veillées.
A travers l’étude de nombreuses versions orales du conte, nous pouvons constater que Perrault fit le choix d’occulter trois épisodes essentiels :
le choix des chemins, le repas cannibale et le dénouement heureux.


Le choix des chemins

Dans les versions orales, la fillette est envoyée par sa mère porter de la nourriture (galette, époigne, pot de crème…) à sa grand-mère malade. Arrivée à la croisée des chemins, elle rencontre un loup – ou bien " un homme-truie "(version tourangelle) ou encore un " bzou "(version nivernaise, " Conte de la mère-grand ").
Ce loup lui propose alors de faire un choix entre deux chemins :
" celui des Epingles ou celui des Aiguilles? ".

Dans son "catalogue raisonné" (hum!) recensant un panel de versions de contes populaires, Paul Delarue précise qu’ " il y a, quelques variantes dans la désignation des chemins : on trouve aussi le chemin des pierrettes et des épinettes en langue d’oc, le chemin des ronces et celui des pierres au Tyrol. Mais cette question du loup sur le choix des chemins est si générale que les conteurs populaires de la zone d’extension du conte l’ont réintroduite dans des versions qui doivent tout le reste à Perrault.
Quant à la véritable signification d’une telle question, Delarue ne prendra pas au sérieux ce motif jugé puéril et absurde :
" Ces absurdes chemins qui surprennent l’adulte et ont intrigué les chercheurs ravissent par contre les enfants qui trouvent toute naturelle leur existence au pays de féerie, et qui leur trouvent toutes sortes de justifications. "

De même, le choix des chemins qui oppose des objets voisins, tous deux métalliques, rappelle une formulette pour amuser les enfants :

" - Une aiguille
- Je te pique
- Une épingle
- Je te pince. "


Dans la tradition orale, les paysans comprennent ces " devinailles " à double sens.
Ainsi, ce conte ne s’inscrit pas uniquement dans une perspective ludique.
Il faut prendre, au contraire, tout à fait au sérieux ces " absurdes chemins ".

Un repas cannibale

Une fois arrivée chez la grand-mère, le loup mange la moitié de la grand-mère et garde l’autre moitié de côté en vidant le sang dans un récipient. Ensuite, le loup invite la jeune fille à manger la chair de sa grand-mère et à en boire son sang.
Delarue justifie la censure de Perrault pour un motif qualifié de " cruel et primitif ".
Là encore, on pourrait être surpris par tant de brutalité dans un conte qui est, en apparence, fait pour être raconté aux enfants.
Cependant Yvonne Verdier remarque à juste titre que Perrault, dans La Belle au bois dormant, n’avait pas hésité à développer le motif tout aussi " cruel " et " sauvage " de la Reine mère ordonnant à son cuisinier de lui servir le cœur et le foie de ses petits-enfants.
De même, dans le conte Le Petit Poucet, l’ogre n’hésite pas à manger tout cru ses filles.

Or, les personnages d’ogres et d’ogresses chez Perrault sont toujours des adultes obsédés par leur désir de chair. Et il aurait paru tout à fait incongru, dans la société du XVIIème siècle, de faire apparaître un personnage d’enfant cannibale.
On peut remarquer toutefois que le Petit Chaperon Rouge mange sa grand-mère contre sa volonté. Elle hésite même à poursuivre son acte à cause d’une voix (un chat, un oiseau ou des voix d’anges) qui la renseigne de la véritable nature de son dîner :
" Pendant qu’elle fricassait le sang, elle entendait du haut de la cheminée des voix comme des voix d’anges qui disaient :
" Ah ! la maudite petite fille qui fricasse le sang de sa grand-mère ! ". Malgré cela, elle entend toujours cet avertissement de travers et poursuit son acte :
" Qu’est ce qu’ils disent donc, ma grand’mère, ces voix qui chantent par la cheminée ? - Ne les écoute pas, ma fille, ce sont des petits oiseaux qui chantent leur langage. Et la petite continuait toujours à fricasser le sang de sa grand’mère. "(version tourangelle).

Alors, cette jeune fille joue-t-elle à l’innocente ou bien cet acte doit-il s’interpréter de manière symbolique ?

Le dénouement heureux

Si certaines versions de la tradition orale s’achèvent tragiquement comme celle de Perrault – le loup se retrouve seul sur la scène repu de son repas copieux, (il y a même une version où le chasseur arrive trop tard pour sauver la femme et la fillette et repart triste (de Smith en Haute-Loire), nombreuses sont celles qui connaissent un dénouement heureux. Cependant, celui-ci diffère totalement du dénouement des frères Grimm.

C’est sur un prétexte scatologique que la jeune héroïne se sauve in extremis du danger imminent. Elle prétexte, en effet, un besoin urgent afin d’échapper aux griffes de l’agresseur et réussit par la ruse à le duper :

" Oh ! ma grand, cette grande bouche que vous avez !

C’est pour mieux te manger mon enfant !

Oh ! ma grand, que j’ai faim d’aller dehors !

Fais au lit, mon enfant !

Oh ! non, ma grand, je veux aller dehors.

Bon, mais pas pour longtemps.

Le bzou lui attacha un fil de laine au pied et la laissa aller. Quand la petite fut dehors, elle fixa le bout de fil à un prunier de la cour ".
(version nivernaise, Conte de la mère-grand)



C’est donc par la ruse d’un lien (fil, ficelle, brin de laine) attaché à un prunier, que la petite se sauve et lorsque le bzou s’en aperçoit, elle est déjà rentée chez elle.

Dans d’autres versions, des laveuses situées à l’autre bord d’une rivière aident à passer l’enfant hors du danger.
Le " loup " (ici l’homme-truie) demande aux laveuses de faire de même et il se noie car elles lâchent le drap qui lui permettait de passer.

On peut donc constater que les trois éléments omis volontairement dans les versions écrites sont antérieurs à celles-ci et certainement éliminés pour des raisons de convenances. Or, nous allons voir combien ces motifs sont essentiels afin de comprendre la véritable signification de ce conte.

.../..la suite! time
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MessageSujet: Re: Origines du Petit Chaperon Rouge   Origines du Petit Chaperon Rouge EmptyMer 10 Jan - 13:45

.../... flow

Du motif de " l’enfant-passeur " à la transmission entre générations

-" L’enfant passeur " sorti de l’innocence

Il y a un motif qui est caractéristique à Perrault et toujours absent des versions populaires du conte : c’est le motif de la coiffure de la fillette, son fameux chaperon rouge. Ce serait, selon Delarue, un " trait accessoire, particulier à la version de Perrault, non un trait général sur lequel on puisse se fonder pour trouver un sens symbolique au conte ".
" Accessoire " ou non, cette simple caractéristique a suscité un flot d’interrogations et de théories de la part des chercheurs dans la deuxième moitié du XIXème siècle.

La version de Perrault vise à miniaturiser l’héroïne, ainsi que les objets qui l’accompagnent. Mais quel âge a-t-elle véritablement dans les versions issues de la tradition orale ?

Dans toutes les versions recueillies, il s’agit toujours d’apporter à manger à la grand-mère par l’intermédiaire de la petite fille — ou bien à la mère lorsque ce sont les patrons qui donnent.
Yvonne Verdier livre à ce propos des informations intéressantes:

C’est la mère qui prépare et c’est elle qui demande à la fillette d’apporter les aliments. Les aliments ne sont d’ailleurs pas toujours une galette et un petit pot de beurre. Ils diffèrent selon les régions où le conte a été recueilli. La galette est remplacée par la forme locale du gâteau : la " pompe " dans le Velay, l’ " époigne " dans le Nivernais, la " fouace " dans les Alpes. Associé au gâteau, on trouve en général un produit laitier : un pot de crème dans le Nivernais, la " tomme " dans les Alpes, un " fromazeau " dans le Velay.
Il s’agit d’une démarche ordinaire, quotidienne dans le contexte villageois : porter à manger aux vieux fait partie des services que les enfants rendent. Ainsi, dans le Nivernais, " chaque semaine, le jour où elle (la mère) cuisait son pain, faisait une époigne et disait à sa fille, tu vas porter l’époigne à ta grand-mère ".

L’héroïne est donc confinée dans son rôle d’intermédiaire, d’ " enfant-passeur ".
La circulation de la nourriture fait intervenir trois personnages, ayant chacun un rôle défini : celui qui prépare et donne (la mère), celui qui fait passer (la fille) celui qui reçoit (la grand-mère). Or, dans notre conte, la grand-mère ne reçoit pas son souper et c’est même elle qui est donnée à souper !

Claude de la Genardière établit un parallèle entre la transmission de la nourriture et la circulation de la parole : " Le thème de la transmission de nourriture traverse le scénario narratif en confrontant les générations et en faisant surgir des figures de l’altérité :
mère / fille / loup / grand-mère."
La première étape du scénario placerait un jeu de questions/réponses entre le loup et la fille à la croisée des chemins (le loup : où vas-tu ?), et la deuxième étape confronterait les même personnages au jeu de questions/réponses dans le lit (la fille : qui es-tu ?). Encadré de ces deux rapports de parole se situe l’acte de dévoration, l’acte cannibale.

Caractéristiques vestimentaires de la fillette:

Dans trois versions orales, elle porte soit des " sabots de fer " ou soit " un habit de fer "(du Nivernais et du Velay).
Il lui est dit qu’elle pourra se rendre chez sa mère ou sa grand-mère uniquement quand elle aura usé ses sabots ou habits de fer.
L’habit de fer est synonyme d’habit rigide qui ne permet de ne voir aucune trace de l’épanouissement du corps.
De même, les sabots de fer étaient portés dans les sociétés rurales par les petites filles jusqu’à leur première communion (âge de la puberté).

On peut observer un point commun avec la version la plus ancienne du conte dans laquelle la petite aurait été protégée de la dévoration par son vêtement de laine rouge donné à son baptême " Dieu apaise les esprits sauvages ".
Toutefois, Bernadette Bricout ajoute que " dans plusieurs versions de la tradition orale, l’enfant est animée du désir de partir ".
Le départ étant lié à une clause vestimentaire, l’héroïne ne souhaite qu’une chose : casser ses sabots et déchirer ses habits, d’où le rôle du chemin des Epingles et des Aiguilles.

Le parcours initiatique ancré dans la société rurale

Selon l’étude de Bernadette Bricout sur la version orale recueillie par Henri Pourrat, le conte aurait été perçu dans la société paysanne comme un rite qui conduit au mariage, partant de la vie de jeune fille à l’acquisition des facultés génésiques de la mère.
Cela se traduit dans le conte par les étapes successives du choix du chemin, de l’entrée dans la maison, du repas et de la scène du lit.

Le choix des chemins
Le choix des chemins ne semble pas être choisi au hasard.
Dans le Velay, on retrouve le même choix en faveur du chemin des épingles dans trois versions différentes recueillies par Victor Smith.
Afin de mieux cerner l’importance des chemins, replaçons ce couturier dans le contexte ethnographique de la société paysanne de la fin du XIXème siècle (d’où viennent les versions de V. Smith entre 1870-1876).

Les ustensiles de couture ont un rôle très important dans l’éducation des jeunes paysannes.
En effet, à l’âge de 15 ans, les jeunes filles étaient envoyées en hiver auprès d’une couturière. Elles y apprenaient à travailler, manier l’aiguille. Mais elles apprenaient également à se parer, à s’affiner à l’aide d’épingles (" elles ramassaient les épingles ").
C’est l’âge où elles deviennent des jeunes filles à part entière : elles ont l’autorisation d’avoir un amoureux, d’aller danser au bal du village. Le garçon qui faisait la cour à une fille lui offrait des épingles.

Ainsi, l’épingle est associée à l’accession à la puberté d’une jeune fille.
L’événement déclencheur est avant tout l’apparition du phénomène biologique des menstruations. Tout comme le sang menstruel, l’épingle permet l’attachement amoureux (ingrédient de philtres d’amour : les règles), mais également de rejeter un garçon trop entreprenant (tout comme l’arrivée des règles faisant obstacle à tout rapport sexuel). Contrairement à l’épingle, l’aiguille est le symbole de la femme mariée. L’aiguille percée d’un chas a une symbolique sexuelle appuyée.
Un dicton dit à ce propos : " couturière mariée, aiguille enchâssée ".

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MessageSujet: Re: Origines du Petit Chaperon Rouge   Origines du Petit Chaperon Rouge EmptyMer 10 Jan - 13:45

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L’épreuve de la porte fermée

Après le rituel du chemin succède l’épreuve de la porte fermée.
En temps normal, le père conduit sa fille à la porte de sa nouvelle demeure dans laquelle se trouve son futur époux.
Ils doivent frapper plusieurs fois afin de montrer patte blanche.
On peut faire ici le rapprochement avec la petite formulette obligatoire afin d’ouvrir la porte : " Tire la tricolète ", laquelle sera remplacée plus tard par Perrault par la fameuse formule : " Tire la chevillette, la bobinette cherra "

Un repas de noce
Lorsque la porte est ouverte, la fille exprime un besoin : la faim et la soif, ou au contraire, c’est le loup qui lui propose.
Cette étape correspondrait dans le rituel des noces à la " soupe de la mariée ".
Elle est supposée redonner des forces aux époux pour la nuit de noce. L’utilisation du vin est attestée par Van Gennep dans toute la France,
et " celui-ci est généralement chaud, sucré, miellé, parfois poivré et épicé ".
Nous devons ici le remplacer par le sang de la grand-mère.

Ce repas prend alors une dimension vampirique.
Le sang qui afflue chez la fille — par ses premières règles — doit donc sortir de la mère ou la grand-mère — souvent confondues dans les différentes versions —, laquelle va se retrouver dépossédée de son pouvoir de faire des enfants.
C’est ce qu'Yvonne Verdier surnomme de manière imagée " le jeu de vases communiquants ".
Elle en viendra finalement à la conclusion suivante :
" Ce que nous dit donc le conte, c’est la nécessité des transformations biologiques féminines qui aboutissent à l’élimination des vieilles par les jeunes, mais de leur vivant : les mères seront remplacées par leur fille, la boucle sera bouclée avec l’arrivée des enfants de mes enfants. Moralité : les mères-grands seront mangées. ".

Ainsi, en consommant sa chair et son sang, la jeune fille s’approprie le pouvoir de procréer de la mère ou grand-mère.

Dans le mitan du lit
Selon Bricout, c’est ici la révélation de la finalité de la parure (les épingles, aiguilles…) : elle n’existe que pour être ôtée. Dans de nombreuses versions orales, c’est le moment où la jeune fille se livre à un strip-tease intégral.

" Dhabille-toi, mon enfant, dit le bzou, et viens te coucher vers moi.

Où faut-il mettre mon tablier ?

Jette-le au feu, mon enfant, tu n’en as plus besoin.

Et pour tous les habits, le corset, la robe, le cotillon, les chausses, elle lui demandait où les mettre. Et le loup répondait : " Jette-les au feu, mon enfant, tu n’en as plus besoin ".


Le loup est l’orchestrateur du carnage.
La jeune fille joue-t-elle à l’innocente ? Elle dévoile chaque partie de son corps une à une tandis que le loup, patient, renforce la dramatisation en insinuant une fin toute proche : " jette-les au feu, mon enfant, tu n’en as plus besoin ". Cette sentence réitérée une seconde fois sonne comme un refrain tragique conduisant à la mort (physique ou bien de sa vie de petite fille ?)

Une fois la petite déshabillée et au lit, sa première question portera sur l’aspect velu du loup :

" Oh ! ma grand, que vous êtes poilouse !
C’est pour mieux me réchauffer, mon enfant !

Dans la version du Velay :
" Ah ! maman, que tu es bourrue !
C’est la vieillesse, mon enfant, c’est la vieillesse ! "
- " Quelle longue barbe vous avez ! "

Et le loup répond toujours :
" C’est la vieillesse, mon enfant, c’est la vieillesse ".


Si l’on prend le loup à la lettre, le poil est associé à la détérioration, à l’usure des facultés génésiques féminines. Cela voudrait dire que la femme, lorsqu’elle ne peut plus enfanter (et donc ne perd plus de sang) perdrait tous ses attributs féminins pour se couvrir de poils et devenir un homme ou une bête sauvage.
Cela remettrait en question les personnages du conte : a-t-on affaire à un " loup-grand-mère " ou à un " grand-mère-loup " ?

Vient ensuite l’exploration du corps sous la forme d’un inventaire :
les ongles, les épaules, les oreilles, le nez, la bouche; les bras, les jambes, les yeux, les dents.
Selon Bricout, la finalité des ces membres successivement évoqués — embrasser, pour les bras; écouter, pour les oreilles; manger, pour les dents — rappelle ce que le loup vient de vivre : " Après avoir couru les bois, " embrassé " la grand-mère au point de la faire disparaître, écouté la petite fille et, sans l’avoir touchée, il l’a mange déjà.
Par le pouvoir de sa parole, il la dévore" .

Ainsi, la jeune fille entre dans l’apprentissage de la sexualité.
Elle a acquis les facultés génésiques de son aïeule, entreprend un strip-tease et découvre le corps masculinisé et ensauvagé de sa mère-grand. Mais, au moment du passage à l’acte, les intentions sexuelles du loup avortent au profit d’un prétexte scatologique de la jeune fille. La voie qui conduit au mariage est coupée, la jeune fille n’est plus une enfant et choisit sa destinée. Le parcours de la jeune fille devient un parcours initiatique semblable à une renaissance dans un corps nouveau.

De la fillette à la femme
Le conte est donc tourné entièrement vers le thème de l’initiation. Qu’allait faire cette fillette chez sa grand-mère ? " Conquérir sa féminité, connaître les lois de son destin ", répond Yvonne Verdier.
En effet, la fillette ramasse les épingles sur le chemin, pénètre dans la maison par elle-même, sans l’aide de sa grand-mère malade. L’entée est toujours ponctuée par une formule orale :

" Tire la chevillette et la bobinette cherra " (Perrault)

" Tire la cordelette et le loquet se lèvera " (Gascogne)

" Vire la tricolère " (Velay).


Dans une version particulière de Haute-Loire, l’héroïne entre dans la maison en passant les pieds devant. Ce dernier élément symboliserait une naissance inversée et donc une entrée dans le monde des morts. Elle frôle ainsi la mort de justesse dans les bras du loup et sort de la maison attachée à un fil ou cordelette qu’elle rompt une fois dehors.
Ce geste ne symboliserait-il pas la rupture du cordon ombilical ? Ensuite, les laveuses aident la jeune fille à passer la rivière en tendant un drap, lui permettant de ne pas se noyer. Elles font de même avec le loup, mais lâchent le drap causant la perte du loup.

Yvonne Verdier souligne le double rôle des laveuses. Elles font passer la fille du côté de la vie et lui permettent une renaissance.
Et elles aident le loup… à mourir ! Le rôle des laveuses est essentiel dans la vie paysanne car elles sont chargées de " faire les passages ".
En effet, elles aident les enfants à naître et à grandir, mais aident également les gens à mourir. Cette responsabilité est confiée à la personne la plus âgée, donc la plus expérimentée, du village qui peut à la fois " manier le lange et le linceul ".

Le séjour chez la grand-mère est donc vécu comme un séjour initiatique. L’entrée, semblable à un mort, permet à l’héroïne de ressortir transformée, semblable à la naissance d’une jeune fille en fleur.
Elle a coupé le cordon et peut vivre désormais sa vie de femme pleinement.

Et le loup dans tout cela ? Quelle place le conte lui réserve-t-il ?

Révélateur de la sexualité naissante de la jeune fille

Le loup orchestre et suit chaque étape de la transformation de la jeune fille. Initiateur des choix des chemins, il invite au jeu des formulettes enfantines et révèle par-là même le destin de l’héroïne. Celle-ci arrive à un âge où les épinglettes sont au centre des préoccupations de toute jeune villageoise pubère.

Il " élimine " pour elle la grand-mère !
En effet, le caractère radical de la transmission des facultés génésiques met au jour l’aspect conflictuel des femmes entre elles, allant jusqu'à l’élimination physique. De nombreux contes mettent en scène cet aspect éliminatoire, que ce soit entre femmes de même génération ou entre une mère et une fille, une belle-mère et sa belle fille, une grande-mère et sa petite fille.

Le loup encourage ensuite la jeune fille dans l’acquisition des pouvoirs procréateurs en l’invitant à un dîner eucharistique.
Enfin, il permet à la jeune fille de " voir le loup ", c’est-à-dire de perdre sa virginité.
Si elle a vu le loup, dans ce cas, la morale qui se dégage est toute autre que celle de Perrault : " le destin féminin dont nous parle la tradition orale du conte est loin de se jouer avec le loup comme unique partenaire ". Notre héroïne devient donc une femme responsable à part entière, car elle choisit même le partenaire de son dépucelage. Par conséquent, elle échappe aux griffes du loup car elle ne le trouve pas à son goût.

Le loup passe donc de la position de dupeur à celle de dupé.
Son masque tombe, sa mise en scène, faisant appel au travestissement de sa voix et de son identité, avait pourtant bien fonctionné jusqu’à un certain point. " L’épreuve de la vérité " révèle sa nudité et sa véritable identité : " viens te coucher tout tout contre moi " [V.32]. Tout au long de la narration, il manie si bien les différents déguisements que l’on pourrait dire qu’il n’est présent dans le conte uniquement qu’en tant qu’accessoire avant de retourner, à la fin du conte, dans la malle à déguisements.

Un conte de femmes

Ancré dans la société paysanne traditionnelle, le conte s’apparente comme un conte de femme, centré sur les relations d’intime transmission entre petite-fille et grand-mère (ou entre mère et fille).
Chaque étape du destin féminin est marquée par l’acquisition d’une technique, dont l’apprentissage s’établit dans le bon ordre dans la société. Sur le chemin des Epingles, notre héroïne entre dans sa vie de jeune fille, dans sa puberté avec l’apprentissage symbolique de la couture.
Dans la maison de la grand-mère, lieu confiné plus intime, s’établit la transmission des pouvoirs génésiques de la mère ou grand-mère avec l’apprentissage de la cuisine et l’initiation à la sexualité — domaine réservé aux aiguilles, aux mères.
Enfin, notre héroïne acquiert le troisième savoir féminin fondamental : celui de la lessive, pour son passage auprès des laveuses, un savoir donnant la responsabilité de la toilette des nouveaux-nés et des morts.

Il est donc évident, dans ce contexte, que le conte ne peut être qu’un conte de femmes, valorisant l’importance accordée aux femmes à chaque étape essentielle de leur vie — l’enfant, la jeune fille, la mère, la grand-mère ménopausée — dans les sociétés paysannes traditionnelles.

Or, la version écrite de Perrault tranche complètement avec la vocation première de cette histoire.
Elle privilégie principalement la relation entre le loup et la fille, et le coupe de son contexte premier.
Que s’est-il passé pour que cette version écrite au XVIIème siècle, puis plus tard celle des frères Grimm au XIXème siècle, deviennent les versions populaires par excellence, livrant à l’oubli la richesse des versions orales ?
Camille Germain (2003)

...nous ne lirons plus le Petit chaperon Rouge de la même façon, non?!.. tiluti
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Faenor
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Faenor


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MessageSujet: Re: Origines du Petit Chaperon Rouge   Origines du Petit Chaperon Rouge EmptyMer 10 Jan - 13:53

Pour connaitre quelques ouvrages du Petit Chaperon Rouge voici un lien assez riche en la matière:

http://www.ricochet-jeunes.org/fichiers/perrault/chaperon.asp

Bonne lecture! pa
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anne cauchis




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MessageSujet: Re: Origines du Petit Chaperon Rouge   Origines du Petit Chaperon Rouge EmptyMer 21 Fév - 18:35

:clap:C'est claire je ne verrai plus le petit chaperon rouge de la même manière
Quand je pense que j'ai déjà l'age d'être grand mère:boulet:
bisou
anne

Ps je vais chercher l'arbre à conte
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La baleine
Nain
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MessageSujet: Re: Origines du Petit Chaperon Rouge   Origines du Petit Chaperon Rouge EmptyMer 21 Fév - 21:47

Ouaahh!! Passionnant!
Sûr que ça change notre vision du "petit chaperon rouge".... et que ça redonne un sens profond a cette histoire trop galvaudée!
applause applause applause applause applause applause pour toi Béa!
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MessageSujet: Re: Origines du Petit Chaperon Rouge   Origines du Petit Chaperon Rouge Empty

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